• Commémoration du centenaire de l'hôpital militaire temporaire anglais au château d'Arc-en-Barrois.

     

              

    La municipalité d'Arc-en-Barrois a délégué à l'association Arc Patrimoine et Culture (APC) l'organisation d'une commémoration de la grande guerre liée à l'histoire de la commune. Il nous est apparu que notre village présentait une spécificité par la présence dans le château d'un hôpital militaire anglais durant toute cette période.

    Voici comment Lady Susan Jacobs (petite-fille de Michael Gordon Clark infirmier au château de 1915 à 1916) présente à ses amis et à sa famille l'histoire de la création de cet hôpital puis relate ses impressions, son émotion, sa gratitude à propos de ces deux journées commémoratives.

     

    Historique

                En 1914, juste après le début des hostilités en France, quatre sœurs anglaises remarquables décidèrent, en association avec la Croix-Rouge britannique, d'organiser, financer, encadrer, équiper et diriger un hôpital à Arc-en Barrois pour les soldats français ( les poilus) blessés aux batailles de Verdun et en Argonne. Elles se nommaient Susan (Sue), Madeline (Madge), Eleanor (Nell) et Anora (Nora) Bromley-Martin de Upton-upon-Severn,  Worcestershire, où leur père était associé principal de la banque Martin's

               Madge dirigea l'hôpital principal situé dans le château, Sue prit en charge le bâtiment annexe situé dans l'ancien hospice, maintenant résidence pour personnes âgées (EHPAD Saint-Martin), tandis que Nell et Nora restaient en Angleterre pour récolter des fonds.

                Le château était un grand édifice appartenant au Duc de Penthièvre, célibataire excentrique qui ne l'utilisait que pour ses parties de chasse. Le bâtiment n'avait pas d'électricité, l'alimentation en eau était rudimentaire, pas d'eau chaude, le toit fuyait et il y avait des escaliers et des marches partout. Miraculeusement il ne fallut que quatre semaines à l'équipe pour parachever la transformation du bâtiment en hôpital fonctionnel prêt à recevoir le premier contingent de soldats français gravement blessés fin janvier 1915 et il resta en fonction jusqu'en 1919.

     

    Les célébrations

              Le village d'Arc-en-Barrois décida de célébrer le centenaire de l'hôpital en organisant un week-end évènementiel impliquant de très nombreux habitants et en invitant les descendants de tous les membres du personnel  de l'hôpital dont ils ont pu retrouver la trace. Robin Holland-Martin, petit-neveu de la fondatrice, et son épouse étaient présents, ainsi que des membres des familles d'infirmières, docteurs, artistes et techniciens ( brancardiers, menuisiers, aides-soignants, cuisinières) venus du Danemark, des États-Unis, du Canada, et nous, les huit  Gordon Clark d'Angleterre.

     

     Samedi 4 juillet

                 9 heures 30. Nous arrivons en haut du village là où se tenaient les premières cérémonies officielles. Dans la cour devant l'hospice étaient rassemblés la fanfare ( 33 musiciens des Forces terrestres de Lille en costume de parade du début du vingtième siècle) jouant avec une grande maestria, une douzaine de pompiers, six poilus en uniformes militaires de la première guerre mondiale ,une garde d'honneur, porteurs de drapeaux et médailles, les invités d'honneur, les résidents de la maison de retraite, ainsi qu'une centaine de villageois, tous recherchant l'ombre alors que les autres dans leur uniforme de drap épais et leur casque de cuivre, étaient plantés en plein soleil ( 39 à 40 degrés). Un pupitre et un micro présageaient un discours qui nous apprit pourquoi nous étions là: rendre hommage à Susan Bromley-Martin, directrice de l'annexe de l'hôpital, et dévoiler une plaque commémorative.

     

                 Ensuite nous avons parcouru en procession quatre cents mètres jusqu'à la place centrale du monument aux morts qui jouxte l'entrée du château. Ici la fanfare s'est reformée et a joué des airs familiers contemporains. Le maire et le préfet ont tous deux fait des discours émouvants ; les enfants de l'école locale ont lu des extraits d'un " carnet de poilu" du village, des gerbes de fleurs ont été déposées ; l'équivalent français du " Last post" (sonnerie aux morts) a été joué suivi d'une minute de silence et des hymnes nationaux français et anglais.

     

                 Puis nous nous sommes tous dirigés dans la cour du château où les descendants des personnels de l'hôpital reçurent une médaille de reconnaissance pour le service dévoué de leurs ancêtres. Un vin d'honneur servi sous les frondaisons qui bordent la rivière nous permit d'y trouver de l'ombre  et de rencontrer de sympathiques villageois (sous les accents de la fanfare)

                                           

     

                Après un superbe et long repas -trois heures!- nous avons assisté à l'une des représentations d'environ trente minutes, sorte de théâtre de rue interprété par les villageois à 15H, 16H et 17H, le samedi et le dimanche.  Une mention toute spéciale au metteur en scène Hakim Maraoui qui à partir de textes et poèmes de Laurence Binyon a donné à des acteurs amateurs l'occasion d'évoquer dans les lieux mêmes de l'hôpital le quotidien des blessés et des soignants.

                 D'une certaine manière ce fut le moment le plus émouvant de tout le week-end; des blessés ensanglantés et gémissants étaient amenés sur des brancards, des infirmières en costume reproduits à l'identique (cousus par les femmes du village) accomplissaient leurs tâches, soignaient les hommes sur des lits authentiques, échangeaient des paroles et des chants. Nous les regardions évoluer sur les planchers cirés de la salle, celle-là même où ils reposaient il y a un siècle. Il était difficile de ne pas pleurer.

     

                1915.

     Just nineteen he was a reluctant undergraduate,

    Had his eyes been good enough a soldier he’d have been.

    So how to make a meaning of his not being fit to fight?

    The answer came by chance, and so he left for France.

     

    His job was not to blow up trenches, nor strike down bitter foes

    No, his hands were dressing wounds and soothing broken hearts

    In that “corner of a foreign field” my grandpa sojourned long

    He carried stretchers to the morgue and heard the nightingales’ song

     

    He lifted men from bed to park

    He heard their cries, he held their hands

    He dressed their wounds, he sang to them

    He made some friends for life.

     

    The hospital’s creation one hundred years ago

    Was commemorated movingly by the locals of today

    And “we that are the left” gave thanks and honoured those who served

    The men that died so young, and the flok who nursed the maimed.

     Susan Jacobs-July 2015.

       Where they had lain 

    They seem expectant,

    These beds, laid out in rows,

    As if awaiting new arrivals.

     

    The polished floor

    Bears no sign of blood or human waste.

    Even the dust was being swept away

    As if in readiness.

    But no, there would be no new arrivals.

    Even the stretchers rested.

     

    The agony, now a memory,

    Yet still felt.

    Yet still felt by we who were born of those who cared,

    They who were here,

    Sharing in the suffering.

    John Gordon-Clarck -6th July 2015

     

                Dimanche 5 juillet

                Après la conférence donnée par Mrs Marjorie DesRosier, historienne et infirmière américaine, nous sommes descendus dans le cellier du château où se trouvait une splendide exposition.  À partir d'archives originales françaises, anglaises, américaines, l'histoire de la transformation du château en hôpital militaire, diverses présentations: diaporamas, objets médicaux, uniformes, matériels militaires, armes, souvenirs familiaux, photos. Les enfants de l'école primaire, eux aussi, ont pris une grande part à cette commémoration par leur imagination et leur créativité: carnet de poilu de Jules Bachotet. Un numéro spécial de Cahiers Haut-Marnais relatant toute cette histoire a été édité.      

     

    Enfin vers 18 heures, devant les marches de ce beau château, en compagnie d'une centaine de personnes, nous avons écouté un concert de jazz des années 20. Quelle merveilleuse clôture! Même les plus vieux d'entre nous (quatre-vingts ans et plus) se sont mis à danser et la plupart se sont joints à la farandole finale cimentant ainsi des sentiments de reconnaissance réciproque et de respect mutuel.

     

    Lady Susan Jacobs

    Traduction Andrée Martinot

                                                                                                                                               

                                         

               

     Conclusion

                 La plus gratifiante récompense pour l'investissement de tous les membres organisateurs de l'association est venue du descendant direct de la famille Bromley-Martin, Mr. Robin Holland-Martin, représentant  à Arc ce jour, l'ambassadeur de Grande-Bretagne, avec ces mots:

                 "Au nom de ma famille, je veux vous remercier, vous et les membres de votre association, de faire revivre l'histoire de l'hôpital. Nous voulions depuis longtemps, voir une sorte de reconnaissance des profonds efforts de tous ceux qui se sont impliqués dans l'hôpital temporaire, portée à la connaissance du public français et même international. Il semble qu'Arc-en-Barrois ait réussi à la faire.

                Ce serait merveilleux de retisser ce lien en attirant les descendants des poilus blessés sur le site web d'Arc, de sorte que les générations actuelles puissent retrouver la chaleur et l'affection que leurs familles ont ressenties de 1915 à 1919.

                 Votre comité peut être sûr que c'est ici le début d'une "re-naissance" de l'histoire et non pas le chapitre final."

    An. M.





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